Les banques ont gagné sur ce point. Les billets en francs qu'elles récolteront par tombereaux dans leurs agences seront «invalidés» sur place. Avantage, comme l'explique le Crédit Lyonnais: le stockage puis le rapatriement des coupures à la Banque de France n'a plus besoin de se faire sous très haute surveillance. «On pourra les transporter dans des véhicules banalisés.» Mais on ne neutralisera pas les billets n'importe comment. Invalider un «Marie Curie» ou un «Cézanne» répond à un cahier des charges. Parce qu'un billet «invalidé» a toujours besoin de retourner à la Banque de France qui vérifie qu'il s'agit de vrais billets avant d'en créditer les banques.

Après d'intenses discussions, les protagonistes se sont mis d'accord. Deux prototypes de trouilloteuse­ c'est le petit nom de la machine à faire des trous­ ont été mis au point. Elle fonctionne à la main, et perce de petits trous dans les billets, au milieu et sur les bords. A des endroits précis, «juste sur le filigrane». Les trous sur le bord permettront de repérer les billets invalidés lorsqu'ils se présenteront par liasses. Les deux fabricants devront réussir à fournir de 50 000 à 60 000 machines d'ici à décembre. Le Crédit Lyonnais estime par exemple qu'il lui faudra entre 1 800 et 2 000 machines. Prix estimé de cette drôle de poinçonneuse: environ 100 euros (656 francs) pièce. Les banques s'inquiètent déjà d'être livrées à temps.

Elles se soucient également de trouver les «petites mains» pour les faire marcher. Les employés de banque titulaires seront en effet accaparés par le basculement des comptes et les opérations de change. «Je me suis déjà mis à la recherche d'étudiants pour des CDD de quelques semaines, témoigne une responsable d'agence. J'ai demandé aux employés de recruter autour d'eux, de m'envoyer des amis, de la famille, des connaissances...» Car l'invalidation des francs est une opération de confiance. Certains pourraient être tentés de se mettre quelques billets dans la poche puis d'aller les changer contre des euros dans une autre banque. Le SNB, syndicat de cadres, s'inquiète d'ailleurs de leur responsabilité en cas de vol: comment en effet retrouver un CDD de passage et qui n'a pas d'identification informatique? Au total, l'opération «petits trous» devrait gonfler les effectifs bancaires de plus de 10 %, sans compter le personnel des directions générales, réquisitionné pour l'occasion.

Pour les pièces, moins convoitées que les billets, aucune solution globale n'a pour le moment été retenue. Elles pourraient être collectées au sein même des agences en faveur d'associations caritatives. D'autres préconisent purement et simplement de renvoyer les pièces à la Banque de France, leur transport étant évidemment moins risqué que celui des billets.